Monique Hervo
Toute une vie de lutte aux côtés des Algériens

Monique Hervo a été un témoin privilégié de la violence coloniale à l’encontre des populations immigrées algériennes dans les bidonvilles de France. La militante était aussi une fervente partisane de l’indépendance de l’Algérie
Son engagement est né très tôt, à 16 ans, lorsqu’elle s’est portée volontaire à la fin de la Seconde Guerre mondiale, en 1945, pour participer au brancardage des rescapés du camp d’extermination de Buchenwald (Allemagne) à leur descente du train à Paris.
Malgré une formation aux beaux-arts, Monique Hervo choisira plus tard, en 1956, d’intégrer le Service civil international (SCI), une ONG d’aide aux victimes de violence et d’injustice sociale. Elle apprend par un article en 1959 l’existence de la Folie et décide aussitôt de s’y rendre, accompagnée d’autres volontaires du SCI.
Sur place, la jeune militante, alors âgée de 30 ans, découvre la grande misère des immigrés algériens, un quart-monde où il n’y a pas d’eau courante, pas d’électricité et pas d’assainissement.
« On y souffrait de bien des maux qui sont attachés à l’univers concentrationnaire. Le froid, la malnutrition, la tuberculose, l’absence de moyens pour assurer l’hygiène élémentaire, les morsures de rats. On pouvait également y mourir de coups [donnés par la police] ayant, suivant l’expression consacrée, ‘’entraîné la mort avec l’intention de la donner’’ […] ou de noyade [en référence aux massacres du 17 octobre 1961] dans la Seine », note-t-elle dans un journal de bord où elle décrit la vie des habitants du bidonville.
Auprès d’eux, Monique Hervo passe douze années. Après avoir participé à la reconstruction de baraquements, elle deviendra écrivaine publique, aide aux devoirs pour les enfants et assistante sociale bénévole. Les habitants s’adressent aussi à elle pour les accompagner dans leurs démarches administratives.
En plus de son carnet, la jeune femme, animée par le désir de témoigner, prend des photos. « Elle voulait sortir de l’anonymat un endroit que la France ne voulait pas voir »
Évoque aussi des enregistrements d’entretiens avec des habitants ainsi que des questionnaires que Monique Hervo leur avait adressés pour décrire leurs conditions de vie pénibles et insalubres.
En 1971, ce fonds documentaire (reversé à l’Institut d’histoire du temps présent et aux Musées des mondes contemporains) a servi pour un ouvrage ethnographique, Bidonvilles : l’enlisement, écrit avec Marie-Ange Charras.
. Trente ans plus tard, Monique Hervo écrira un autre livre, Nanterre en guerre d’Algérie. Chroniques du bidonville 1952-1962, qui retrace les brutalités et les humiliations policières dans le contexte de la guerre d’indépendance de l’Algérie.

Monique Hervo /avec l’une des familles d’immigrés algériens en France

À la Folie, où étaient actifs des partisans du Front de libération nationale (FLN), elle était à la fois narratrice et actrice des événements.
Le 17 octobre 1961, elle prend part avec enthousiasme aux manifestations pacifiques des Algériens à Paris pour l’indépendance de leur pays.
« Noyée au milieu de ce peuple en marche vers son indépendance, ma participation reste pour moi un immense honneur que je dois aux militants de la Folie », racontera la militante à son ami Mehdi Lallaoui.
Monique Hervo endosse également le rôle de témoin direct de la violente répression policière qui s’abat sur les marcheurs et leur traque les jours suivants. Elle révèle ainsi dans son journal qu’« aux lendemains de la manifestation », les blessés par balle, à la sortie de l’hôpital, voient leur bulletin de sortie « directement remis à la police qui ‘’cueille’’ le blessé et l’emmène, croit-on savoir, pour trois ou quatre jours à Vincennes [au centre de rétention créé par Papon en 1959 pour les Algériens] ».
« D’ailleurs dans tous les hôpitaux, la police consulte la liste des arrivées et sorties des Algériens. C’est classique. C’est d’ailleurs pour cette raison que la majorité n’ira pas se faire soigner à l’extérieur, même dans un dispensaire, de peur de se faire arrêter. À la Folie, dans toutes les baraques des célibataires, il y a des blessés, même gravement atteints, des fractures », écrivait-elle.
Son témoignage résonnera en 1999, lors du procès en diffamation que l’ancien préfet de police Maurice Papon (ordonnateur de la répression) a intenté à l’historien Jean-Luc Einaudi, pour son livre octobre 1961, un massacre à Paris.
Elle accuse elle-même Papon d’avoir créé des milices dans les bidonvilles peuplés par les Algériens pour instaurer un climat de terreur par la brutalité.
À travers ses récits, Monique Hervo se révélera un vecteur de mémoire authentique. Pendant des années, elle intervient dans les médias, les écoles, les centres sociaux et colloques pour témoigner des injustices sociales et coloniales contre lesquelles elle s’est battue toute sa vie.
Car après avoir quitté la Folie, l’impénitente activiste poursuivra ardemment son combat aux cotés des populations humbles, les mal-logés, les ouvriers et les étrangers.
Entre 1971 et 1973, elle participe à la création du GISTI (anciennement Groupe d’information et de soutien des travailleurs immigrés) puis rejoint La Cimade (association de solidarité et de soutien politique aux migrants, réfugiés et déplacés) pour se charger des problématiques de l’immigration.


Monique Hervo apporte également son soutien aux travailleurs immigrés des foyers Sonacotra dans leur grève contre la hausse des loyers entre 1975 et 1980 et milite pour la destruction des logements les plus insalubres.
Attachée viscéralement à l’Algérie, elle confie à la fin de sa vie à ses amis son souhait de devenir algérienne. Sa naturalisation a lieu en 2018, au moment où le président français Emmanuel Macron annonce son intention d’engager un travail de mémoire sur la guerre d’indépendance.
On note aujourd’hui que la question coloniale reste toujours un sujet de crispation. La preuve :
Le décès de Monique Hervo n’a donné lieu à aucune annonce officielle de la part du gouvernement français.

La militante Monique Hervo, amie de la Révolution algérienne, nous a quittés à l'âge de 95 ans, et a été inhumée, vendredi après-midi du 25 mars 2023, au cimetière d'El Alia à Alger.
Notre Sœur, Monique Hervo. Tu resteras à jamais notre Amie et l’Amie de la révolution Algérienne, paix a son âme
Vive l’Algérie et Gloire à nos Martyrs
HORA magazine / Femme du Mois / Mars 2025